Maddia, terrain de foot rue Korsec

"Je m’appelle Maddia, je suis Sénégalais, je suis en France depuis quatre mois. J’ai mis un an pour arriver. J’ai traversé le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Libye en transports en commun et en voiture. De la Libye à l’Italie, j’ai traversé en zodiaque, comme ce qu’on montre à la télé, ce que les gens regardent. Je suis passé par ce chemin, c’est fou et malheureux, mais c’est réel. Deux jours de bateau jusqu’aux eaux internationales, au milieu de la mer, et là, les gardes-côtes viennent vous secourir et vous amènent en Italie. J’ai continué la route pour la France parce que c’était mon objectif initial.

Je suis arrivé le 3 décembre à Marseille. Je n’avais pas Marseille en tête mais à vrai dire, j’ai dû m’arrêter là. J’avais quitté l’Italie avec 200 €. Quand je suis arrivé à Nice, je n’avais plus que 27 €. J’ai pris le train pour Marseille avec ce qui me restait. Quand je suis arrivé, je n’avais plus d’argent. Je ne pouvais plus continuer.

J’ai descendu les escaliers de la Gare Saint-Charles, et sur le boulevard, j’ai croisé un Soudanais. Je lui ai expliqué ma situation et il m’a amené dans une association qui s’appelle Afrique-santé. Ils ont appelé le 115 pour que je sois logé pendant un mois au centre d’accueil à Forbin.
A Forbin, j’ai connu un jeune, Diallo, qui allait dans un collectif d’aide aux réfugiés le Manba. C’est à Manba que j’ai connu plein de gens très sympas, qui aident pour les démarches, pour le logement. Élodie m’a proposé de venir chez elle dans sa coloc à Belsunce pour huit jours, parce qu’un des coloc était en voyage. Tout le monde m’a bien accueilli. Ils m’ont aidé, ils m’ont mis à l’aise. Le premier jour, j’étais entre eux à voir un film, le lendemain on jouait aux cartes, on mangeait ensemble. Il y a eu tout de suite une parfaite harmonie.

Et c’est là que j’ai connu la coloc d’Élodie, Vanessa et on est tombé amoureux. Voilà comment je suis devenu habitant du quartier.
J’aime beaucoup le quartier, les gens. Il y a un terrain d’entraînement de foot avec une petite pelouse, j’y vais presque tous les jeudis. Le gardien nous permet de squatter et de nous entraîner… Du coup, on se retrouve avec plein d’amis soudanais et des jeunes du quartier, parfois des enfants et des plus vieux, et le gardien aussi qui joue avec nous. Il est très drôle. Il y a un bon mélange entre toutes les différentes couches de la société française qui jouent au foot tous les jeudis soirs. Y’a ceux qui sont nés dans le quartier, y’a les nouveaux venus, y’a des français, y’a des arabes, y’a des noirs. On fait des petites équipes de cinq personnes et on fait la gagne. Après la partie, on parle et c’est comme ça que je me suis retrouvé avec Gilles qui joue au foot et qui anime une émission à Radio Galère. Il m’a invité pour faire une émission sur le rap sénégalais… C’est par les relations que tu fais des choses et que tu t’en sors. A Marseille, c’est très fort cette entre-aide entre jeunes.

J’aimerais m’installer ici durablement, ça dépend de ce que j’arriverai à faire. Parce que ça n’aurait pas de sens de rester pour rester. Je veux reprendre mes études. Au Sénégal, je n’avais plus la possibilité d’être dans une université publique, ni de me payer mes propres études dans une université privée, donc j’ai décidé de partir avec les moyens du bord. Je veux être avocat. C’est une passion pour moi le droit. Je ne sais pas si le rêve se réalisera. J’ai grave envie de rester parce que Vanessa est une personne très spéciale pour moi. Mais il faudrait que je trouve de quoi faire. Je n’aime pas me sentir dépendant de l’autre. J’aime être autonome et c’est à ce moment que les gens te respectent vraiment et voient tes choix comme des choix personnels. C’est là qu’il peut y avoir une vraie confiance réciproque."

Recueil des témoignages : Sarah Champion-Schreiber
Photos : Cyril Becquart
Série réalisée avant le confinement.